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L’alliance thérapeutique : en prendre soin pour mieux soigner

Alexandra Verreault
Rédigé par Alexandra Verreault /

“ Thérapeutes, développez toujours une bonne alliance thérapeutique avec vos clients! ”

Ça va de soi, non?

Un peu quand même! Les thérapeutes en santé mentale savent que leur métier repose sur une relation de confiance. C’est bien souvent un élément qui se développe de manière naturelle et organique, sans trop qu’on s’y attarde sur le plan théorique.

Mais parfois, cette relation de confiance traverse des moments difficiles. Un client quitte la thérapie sans explications, un autre semble avoir du mal à bénéficier du traitement.

La corrélation entre l’alliance et l’efficacité thérapeutique a été démontrée par plusieurs études. En tant que thérapeute, il est donc bénéfique de s'y attarder et d’en comprendre mieux les nuances, pour y être plus attentif.

Cela permettra d’en prendre soin de manière manifeste et assumée tout au long du traitement et d’augmenter les chances que ce dernier soit efficace!

Pour vous aider, cet article propose d’élaborer le concept à travers trois grandes questions :

C'est quoi l’alliance thérapeutique?

L’alliance thérapeutique est la relation de collaboration entre le patient et le thérapeute dans la poursuite de l’objectif explicite sur lequel ils se sont conjointement entendus.

Cette alliance est nécessaire pour que le changement et la guérison soient possibles. Cela en fait le pilier fondamental de toute relation thérapeutique efficace.

Les bénéfices d’une alliance thérapeutique solide sont nombreux. Parmi eux, on compte notamment :

  • Une communication plus ouverte
  • Une plus grande confiance
  • Une meilleure collaboration
  • Une meilleure adhérence à la démarche

Qu’est-ce qui la compose?

Pour bien la comprendre, il peut être utile de distinguer ses deux composantes essentielles :

  • Les composantes cognitives
  • Les composantes émotionnelles

Les composantes cognitives

Les composantes cognitives sont parfois appelées “alliance de travail”. Cette alliance repose sur l'entente initiale entre le thérapeute et le client lorsqu'ils décident d'entamer ensemble un processus thérapeutique.

Elle se base sur la compréhension intellectuelle et logique du fait qu’il est nécessaire de coopérer et de s’impliquer dans le processus pour atteindre les objectifs thérapeutiques définis.

Cette alliance implique une volonté du client de s'investir activement dans sa propre démarche, et la compréhension par le thérapeute des attentes et objectifs initiaux du client.

Les composantes émotionnelles

Les composantes émotionnelles reposent quant à elles sur les sentiments positifs qui se développent dans le cadre de la relation. Ceux-ci incluent :

  • Le sentiment, pour le client, d'être compris et entendu
  • L'attachement
  • La confiance
  • Le regard positif inconditionnel du thérapeute
  • La capacité de compréhension empathique du thérapeute

Comme le mentionne Monique Brillon, psychologue, cette alliance émotionnelle implique une capacité du client à faire confiance et à se laisser guider. Une détermination à aller jusqu’au bout de la démarche malgré les difficultés rencontrées en cours de route est aussi nécessaire.

Ces deux facettes de l'alliance thérapeutique sont complémentaires et interdépendantes. Pour favoriser des résultats thérapeutiques positifs, il est essentiel pour les thérapeutes de savoir s’y attarder pour les développer, les cultiver et les maintenir dans le temps.

Quels sont les facteurs qui influencent l'alliance thérapeutique?

1 Les facteurs liés au thérapeute

Considérons d’abord le thérapeute dans la relation. Ses habiletés de base, telles que son empathie, son écoute ainsi que sa capacité à recevoir le client et à le comprendre pourront évidemment influencer la relation. Notons également sa chaleur, sa capacité à soutenir, mais aussi sa capacité à éviter de blâmer, d’ignorer, de négliger ou de rejeter ses clients.

Mais ses caractéristiques personnelles, telles que son tempérament, son âge, sa culture, son appartenance à différentes communautés, etc., pourront également favoriser l’établissement et le maintien d’un lien de confiance avec le client.

2 Les facteurs liés au client

Du côté du client, on devine que les enjeux d’attachement ou de personnalité seront des facteurs à considérer. Ses habiletés relationnelles, sa capacité à faire confiance ou encore son degré d’ouverture pourront aussi influencer non pas nécessairement la qualité de l’alliance, mais surtout le temps qu’elle prendra à s’élaborer et se solidifier.

3 Les facteurs liés au contact entre le thérapeute et le client

Évidemment, la manière dont ces deux personnes tout à fait singulières entrent en contact peut aussi avoir un impact sur l’alliance thérapeutique.

Les dynamiques transféro-contre-transférentielles se situent dans ce contact. Elles peuvent mettre l’alliance à rude épreuve, de par leur nature fondamentalement affective et souvent déstabilisante. Elles devront être identifiées par le thérapeute, qui devra ensuite soit les mettre à jour, soit les contourner, afin de préserver la collaboration du client.

Les interactions liées à la relation d’affaires entre le thérapeute et son client se situent également dans ce contact. Les tarifs, les absences, les retards, les vacances, l’ensemble de ces éléments est susceptible de créer des remous dans l’alliance.

6 conseils pour développer et améliorer la relation entre le patient et le thérapeute

Considérant les deux sous-composantes de l’alliance et les facteurs qui peuvent les influencer, comment les thérapeutes peuvent-ils développer, consolider et maintenir l’alliance thérapeutique avec leurs clients?

1 Clarifier le cadre de l’intervention

Le cadre et les paramètres de l’intervention concernent la durée et la fréquence des séances, les tarifs, l’approche du thérapeute, les attentes envers le client, les politiques d’annulation ou d’absence, etc.

Un cadre clair permet un consentement libre et éclairé du client à la démarche, mais aussi l’installation des bases du climat prévisible et sécuritaire dont l’alliance a besoin pour s’élaborer. Lorsque le cadre demeure clair et prévisible tout au long de la démarche, la collaboration est facilitée.

2 Établir des objectifs clairs et communs

Le bilan de l’évaluation initiale est une occasion pour le thérapeute de témoigner de sa compréhension de la demande du client, d’y mettre des mots lorsque celui-ci peine à le faire, et de favoriser chez le client un sentiment d’être véritablement compris.

L’établissement, à ce moment, d’objectifs clairs et fidèles aux attentes du client, favorisera la collaboration et l’engagement.

3 S’adapter au client

Si les caractéristiques personnelles du thérapeute peuvent influencer l’alliance thérapeutique, celui-ci peut tout de même poser des actions qui l’aideront à se moduler auprès de ses clients. Certaines de ces actions peuvent inclure :

  • Adapter son langage
  • Intervenir en tenant compte de la culture du client ou de sa spiritualité
  • Utiliser l’humour d’une façon qui rejoint le client

Ces ajustements permettront de favoriser le confort et la confiance du client envers le thérapeute.

Pour le thérapeute, il est aussi important de conserver une posture lui permettant de reconnaître la singularité du client et le fait qu’il expérimente la vie de façon unique.

4 Mesurer et monitorer l’alliance

Lambert et Simon (2008) ont démontré que la perception du client de la qualité de l’alliance thérapeutique est plus fortement corrélée avec de bons résultats thérapeutiques que la perception que le thérapeute a de cette alliance. Par conséquent, l’un des meilleurs outils dont le thérapeute dispose pour effectuer un suivi de l’alliance est de sonder son client!

Pour ce faire, le thérapeute peut questionner son client verbalement de manière régulière, et ce, sans attendre de ressentir le besoin de le faire.

Cela dit, comme il peut être difficile pour le client de se prononcer de manière authentique sur sa perception de l’alliance lorsqu’il est directement questionné par son thérapeute, l’utilisation d’un questionnaire est recommandée.

Le Working Alliance Inventory contient 36 items dans sa version originale et 12 items dans sa version abrégée. Disponible gratuitement en plus de 23 langues, il représente un exemple du type d’échelle qui, administrée fréquemment au cours du suivi, peut se révéler un précieux outil dans le maintien d’une bonne alliance.

5 Reconnaître les bris d’alliance et les adresser

Même les alliances thérapeutiques les plus solides ne sont pas à l’abri d’une rupture. C’est pour cette raison que le thérapeute doit s’entraîner à être attentif aux signes qui peuvent en témoigner et à savoir les adresser pour les réparer.

Des signes directs (expression claire d’un manque de confiance, attaque au lien, refus de revenir en thérapie, etc.) ou indirects (rejet des interventions, complaisance, évitement, etc.), tels que détaillés par Baillargeon et Puskas en 2013, peuvent aider le thérapeute à identifier un bris d’alliance.

Pour les adresser, le thérapeute doit d’abord être en mesure de contenir les réactions émotionnelles que l’attitude du client peut susciter chez lui. Cela lui permettra de se donner le temps nécessaire pour élaborer sa compréhension de ce qui se joue dans la relation.

Par la suite, il doit intervenir de manière appropriée. Par exemple, accepter ses responsabilités dans la situation, démontrer de l’empathie et/ou utiliser sa fine compréhension des processus sous-jacents pour permettre au client de se sentir compris.

Le thérapeute qui prend conscience que l’alliance thérapeutique avec un client est irréparable devrait par ailleurs chercher à le référer à un collègue, puisque cela pourrait être plus bénéfique pour ce dernier que de poursuivre la thérapie.

6 Prendre soin de soi en tant que thérapeute

On l’entend souvent :

Le thérapeute est son propre outil de travail. La manière dont il entretient son corps et son esprit peut avoir un impact sur sa disposition face à son client et, indirectement, sur sa capacité à maintenir une bonne alliance.

Certains auteurs suggèrent d’ailleurs que la qualité de l’alliance thérapeutique que le psychologue établit avec ses patients serait intimement liée à la qualité de la relation que le psychologue entretient avec lui-même.

Prendre soin de soi, privilégier un mode de vie équilibré, passer du temps de qualité avec ses proches, suivre soi-même une psychothérapie — plusieurs moyens sont bons pour favoriser une bonne disposition à la relation d’aide.

La consultation clinique, parfois appelée supervision clinique, peut aussi permettre au thérapeute de conserver un bon recul sur les relations qu’il développe auprès de ses clients.

Faire de l’alliance thérapeutique un outil tangible

Oui, le développement d’une bonne alliance thérapeutique va de soi pour les professionnels en relation d’aide. C’est même une compétence naturelle et fondamentale pour la plupart d’entre eux.

Prendre le temps de s’y attarder pour en faire un outil de travail tangible peut toutefois aider à prévenir et adresser les impasses, ainsi qu’à optimiser le traitement.

Après tout, l'alliance thérapeutique est l'un des déterminants principaux de l’efficacité d’une démarche en santé mentale!

À propos de l’auteur

Alexandra Verreault
Alexandra Verreault
Psychologue, D. Ps.

Psychologue clinicienne depuis 2018, Alexandra pratique la psychothérapie auprès d’une clientèle adulte. Elle se spécialise dans les problématiques relationnelles et les transitions de vie. Son approche empathique et bienveillante vise à rétablir l’équilibre et la souplesse dans le fonctionnement de ses clients, en plus de les aider à découvrir des moyens mieux adaptés pour surmonter leurs difficultés et répondre à leurs besoins.

En parallèle de sa pratique clinique, Alexandra occupe le poste de Responsable de produit et de contenu clinique chez Optania. Dans ce rôle, elle met son expertise au service du développement d’outils pour une application visant à soutenir les étudiants collégiaux. Sa créativité et son engagement envers le bien-être des étudiants font d’elle une actrice incontournable dans ce domaine.

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